American Warrior (American Ninja) - Sam Firstenberg (1985)

Ce n'est sans une certaine émotion que le préposé écrit sa seconde chronique consacrée à une production Cannon. Comment ne pas être en effet débordé d'émotion dès l'instant où vous fixez le sigle animé de la Cannon en préambule de toute bonne production Golan / Globus ? Un gage de qualité ? Une madeleine Proustienne ? Plus que ça à vrai dire. Un film où vous pouvez être certain que les valeurs de l'occident made in USA seront toujours chèrement défendues face à la vile menace terroriste, communiste, islamiste, etc.

Début des années 80, dans le sillage de la Bruceploitation qui connut son apogée lors de la décennie précédente, le film de ninjas a le vent en poupe dans le cinéma bis, après le séminal Enter the Ninja, produit par la Cannon, avec Franco Nero et Shô Kosugi, acteur d'origine japonaise qui tourna plusieurs films, toujours sous le sceau de la société des cousins susnommés, dont Ninja III et l'homonyme American Ninja (à ne pas confondre avec le film chroniqué intitulé pour l'export American Warrior). Or, à l'instar d'un Chuck Norris, maître en karaté customisé santiag et jean moulant, le meilleur moyen pour atteindre les sommets du box office US était de mettre en valeur un héros occidental (la moustache en option, ou l'un des attributs de Chuck N.). Dès lors, il s'agissait de trouver un blondinet suffisamment athlétique pour faire illusion... une star était née : Michael Dudikoff.

On a souvent raillé, à juste titre, il ne faut pas non plus se le cacher, le cinéma d'action des années 80 américain. Un cinéma fleurant « bon » les préceptes de l'Amérique Reaganienne où la diplomatie étasunienne était représentée par un héros solitaire se battant à la fois contre une menace étrangère et contre l'immobilisme, la corruption voire tout simplement la lâcheté d'une administration ou de supérieurs, etc., le tout sous le couvert d'un patriotisme des plus simplistes. Le succès inattendu de Missing in Action (VF: Portés disparus) en 1984 annonçait dès lors une année 1985 des plus sympathiques, ce qu'elle fut : Rambo 2, Missing in Action 2 (la préquelle), Invasion USA (Chuck qui déjoue seul l'invasion de la Floride par des communistes...) ou le film qui nous intéresse American Ninja.

Quelque part aux Philippines, une jeune recrue de l'armée américaine prénommé Joe Armstrong (soit G.I. Joe... +1 pour le scénariste), non content de jouer les loups solitaires, déjoue le détournement de matériel militaire, méfait étant perpétré par des... ninjas. Problème : vouloir se battre contre une bande de ninjas quand vos aptitudes le permettent, pourquoi pas, mais delà à provoquer la mort de plusieurs compagnons, ça commence à faire quelque peu tâche sur votre CV (le casier judiciaire de notre brave Joe n'étant pas des plus vierges non plus...). Bref, durant cette attaque aussi vile que préméditée (le rôle du sergent Rinaldo étant des plus troubles... sergent interprété par un habitué des productions Cannon, John LaMotta, le futur Trevor Ochmonek de la série TV des 80's ALF...), Joe, en plus de faire preuve de courage, est décidé à défendre la fille du colonel (on peut s'interroger sur le fait qu'un convoi militaire avec du matériel assure la protection de la progéniture du colonel), et ceci par tous les moyens, comme le constate judicieusement le chef du commando ninja, le terrible Black Star Ninja : "il détient la science des ninjas!". Quoi ? Comment un cuistre occidental pourrait utiliser cette science ultime et jalousée. Or stopper des flèches avec le manche d'une pelle, voici une preuve éclatante !

Joe et la demoiselle partent en vadrouille dans la jungle pour échapper aux ninjas, une demoiselle quelque peu récalcitrante quand Joe décide de faire preuve de brutalité envers la mode italienne (escarpins + jupe 0 - G.I. Joe 1). Est-ce la faute aux préceptes ninjas appris auparavant, toujours est-il qu'au bout d'un quart d'heure, pas un son n'est encore sorti de la bouche du héros, et pourtant au vue du nombre de questions posées par miss "je m'habille en Italie", ce n'est pas faute d'essayer : "Vous n'auriez pas un peigne par hasard, une brosse à cheveux, un miroir à trois faces ?" (un G.I. ninja c'est déjà suffisamment rare, alors un G.I. qui se balade avec une brosse à cheveux ou un miroir à trois faces...). Quand soudain ! "Pas trop mouillée ?"... c'est ce qu'on appelle retenir son effet, 15 minutes pour avoir une blague pareille (notre couple de circonstance ayant fait trempette juste auparavant). Mais tout problème a sa solution : "vous allez vous mettre à poil". Quand le pragmatisme ninja se conjugue aux méthodes de drague yankee. Ne pas s'étonner par la suite que la demoiselle réponde favorablement au charme de G.I. Joe (après une balade en moto au soleil couchant, et quelques mots doux ninja, qui pourrait résister ?). Sacré Joe !

Si à ce stade vous vous interrogez sur la présence de ninjas en territoire philippin, il est temps d'éclaircir votre lanterne. Ces derniers servent de bras armé au fielleux Ortega, des ninjas servant la cause du terrorisme et des marchands d'armes au profit de la canaille communiste ! Diantre. A Joe Armstrong de lutter pour un monde libre contre ce sinistre Ortega, secondé par son nouvel ami de régiment Curtis Jackson (Steve James) (devenu le meilleur ami de Joe après que celui-ci l'ait humilié devant ses hommes ?!). Suivrons quelques révélations aucunement prévisibles (la présence de deux taupes parmi le régiment, et non des moindres), puis LA révélation du film (mais d'où vient ce savoir ninja ?!!) et le combat final Joe Vs Black Star Ninja. Dans le premier cas, votre sensibilité sera mise à rude épreuve après les retrouvailles déchirantes entre Joe et son père adoptif. Quant au combat final, si vous considérez que le portnawak est une pierre angulaire du cinéma d'action nanar, vous devriez être ravi : un blindé, des ninjas, un Steve James jouant à Rambo, et un papa ninja nous faisant son Obi-Wan Kenobi ; cette dernière scène nous permettant d'apprécier au passage les quelques rares coups spéciaux des grands maîtres ninjas : l'invisibilité, la création de flammèches, et même le rayon laser.

A l'heure du bilan, le préposé était en droit d'hésiter entre le navet louchant vers le nanar ou le nanar pur jus. Néanmoins, le cinéphile déviant devrait retrouver nombre d'aspects réjouissants : l'interprétation sans faille de Michael Dudikoff (atteint d'une paralysie faciale pendant presque tout le film, allant de pair avec son non-jeu et sa quasi-absence de dialogues), des personnages stéréotypés, des ninjas sponsorisés par United Color of Benetton et un scénario d'une rare bêtise.

Une franchise était née (5 American Ninja furent tournés).

American Ninja (American Warrior)
Réalisation : Sam Firstenberg
Production : Menahem Golan, Yoram Globus
Scénario : Paul De Mielche d'après une idée d'Avi Kleinberger & Gideon Amir
Avec Michael Dudikoff, Steve James,Judie Aronson, Guich Koock, John Fujioka,Don Stewart
Musique : Michael Linn Directeur de la photographie : Hanania Baer
Montage : Andy Horvitch, Peter Lee-Thompson, Marcus Manton, Marcel Mindlin, Daniel Wetherbee
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4 commentaires:

  1. Que de souvenirs ! Merci pour cette chronique de mon enfance, l'époque où une affiche importait tout autant qu'un film, avec sa cohorte de héros américains prompts à défendre "le Monde Libre"... "L'esprit G.I. Joe" en somme !

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  2. m'en parle pas... j'attends de revoir "le ninja blanc" que j'ai sur mon ordi :D

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  3. On se demande tout de même si l'acteur, ne desserte pas son art et sa culture en s’adonnant à des activités filmées comme celles-là^^

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  4. bah faut le dire vite en fait car Dudikoff n'est pas ce qu'on peut appeler un vrai spécialiste des arts martiaux, donc bon, pour le coup...
    En plus, acteur et Dudikoff... mouarf, pas certain que les deux aillent finalement ensemble :P

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