Cannibal Holocaust - Ruggero Deodato: Le voyeurisme à la sauce cannibale

Réputé pour être le film le plus censuré de l'histoire, Cannibal Holocaust pourrait se résumer par cette liste : des cannibales, une empalée, des viols, quelques animaux tués, un éjaculateur précoce et une émasculation. Le film s'ouvre par une vidéo nous présentant une équipe de télévision partie faire un documentaire en Amazonie à la recherche de tribus cannibales : Alan Yates le réalisateur, Faye Daniels la scripte et compagne de Yates ainsi que Jack Anders et Mark Tomaso cameramen. Cannibal Holocaust se divise dès lors en deux parties distinctes, la recherche de l'équipe de télévision disparue deux mois plus tôt, et le visionnage du documentaire tourné par Yates and co. Dans un premier temps, nous suivons donc les pérégrinations du professeur Monroe, pistant les traces de l'ancienne équipe en faisant connaissance avec les indiens Yacumo. Puis avec l'aide de ces derniers, Monroe et ses compagnons s'enfoncent encore un peu plus dans l'enfer vert pour rencontrer les fameuses tribus anthropophages, les Yanomamos et les Shamataris. Monroe réussit à gagner la confiance des Yanomamos et récupère les bobines de Yates après avoir découvert, plus tôt, un sanctuaire composé des ossements de l'ancienne équipe. De retour à New-York, Monroe est contacté par la société de production qui finançait Yates pour servir de caution à une future émission télévisée, où serait montré un documentaire basé sur les rushs de Yates, et ainsi comprendre ce qui a bien pu arriver aux quatre reporters plein d'avenir. Monroe donne son aval à la seule condition de pouvoir visionner les rushs de l'expédition, voici donc la seconde partie de Cannibal Holocaust.

Sans entrer dans les détails, les rushs issus des bobines de Yates vont ainsi nous montrer le manque de déontologie de ce dernier, n'hésitant pas à se mettre en scène quitte à déformer la réalité et provoquer ainsi des réactions tout sauf naturelles de la part des protagonistes. L'un des points forts de cette seconde partie est son aspect immersif, filmé du point du vue de Yates and co, caméra à l'épaule (un Projet Blairwitch avant l'heure en somme, mais sans parkinsonïte aïgue). Techniquement, le film ne souffre d'aucun défaut, la photographie, le cadrage ou le montage ne sont en aucun cas amateur, et le film ne fut pas tourné dans un quelconque jardin d'acclimatation de la banlieue romaine, mais en Colombie (les indiens sont joués par de véritables autochtones, bref on est bien loin des productions Eurociné du vénérable Marcel Lesoeur).

Parmi les nombreux griefs, on a accusé à tort Ruggero Deodato d'avoir tourné un snuff movie, tant la partie faussement documentaire paraissait réaliste (et hormis les actes répréhensibles qui s'y jouent, le résultat est effectivement bluffant, on a rarement vu de mémoire une aussi belle émasculation !). En ajoutant ses soucis avec les censeurs du monde entier, le cinéaste fut poursuivi par la justice italienne pour obscénité, devant prouver que ses acteurs étaient bel et bien vivants ! Autre reproche, les actes perpétrés sur les animaux, ces derniers n'étant pas fictifs, soit deux singes décapités, une tortue qui passe par la case méchoui, un serpent piétiné, une mygale écrasé et enfin un rongeur dépecé. Justifiés maladroitement par Deodato par des quotas de chasse qui ont été respectés, ces actes craspecs choquent encore car la caméra prend au dépourvu le spectateur, l'obligeant à être témoin. On repassera pour la torture animale. Autre point de discorde, la violence perpétrée et les actes (fictifs cette fois-ci) envers la gent féminine : une empalée, des viols (collectifs ou non) ultra réalistes et une "mémorable" scène d'avortement. Bref les censeurs n'ont pas chômé en cette année 1980.

Long-métrage au climat volontairement malsain, Cannibal Holocaust n'en demeure pas moins handicapé par plusieurs points négatifs. En dépit du genre auquel il appartient, la démarche de Deodato, qui convient à complaire une certaine frange de son public dans un voyeurisme crade, a de quoi laisser dubitatif. Divertissement ou non. Pire, l'horreur extrême du film provoque le résultat inverse escompté. En somme, trop d'horreur tue l'horreur. Ajoutons une bande originale terriblement datée (certaines parties ressemble à un film érotique), une interprétation fluctuante (on a rarement vu des militaires aussi peu crédibles) et un doublage français qui lui aussi met au diapason les premières minutes du long métrage.

Un film à voir mais certainement pas à revoir.

4 commentaires:

  1. J'avais pas fait le parallèle entre Tellier et Cannibal Holocaust... Mais bon en y réfléchissant il y a un petit truc^^

    PS : très bonne note !

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  2. Un film qui m'intéresse au plus au point, surtout pour me "soigner" : je vire au végétarisme ces temps-ci...

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  3. Oui, c'est gratiné comme même cannibal holocaust mais à côté de philosophy of a knife, c'est du pipi de chat. Je te passe l'odeur...
    sinon, je tiens un blog ciné: peut être pourrions nous partager des impressions sur nos blogs respectifs? Voici l'adresse:
    http://cinemadolivier.canalblog.com/
    à bientôt j'espère!

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  4. j'ai pris note.
    Ouais bon c'est certes moins gratiné que "philo of a knife" mais bon... vu le résumé que tu en as fait sur "la déchéance collective assistée", ça donne encore moins envie... au moins ce truc de Deodato reste une fiction

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