Fred is dead (in waiting for Ron...)

Décidé à prendre mon temps (si si, je vous assure... à force de réagir en temps réel à l'information et balancer illico des nécros, j'ai l'impression de ressembler de plus en plus à un charognard...), voici plus d'une semaine après son décès, un petit hommage au regretté Freddie Hubbard (me permettant par la même occasion de glisser une petite référence à Curtis Mayfield et son Superfly...), sans doute le dernier des grands trompettistes du siècle dernier.

On a trop souvent à tort de glorifier ou de jouer des superlatifs lorsqu'un artiste vient juste de s'éteindre (qui vous est cher (ou non... mais c'est un autre débat...)). Pourtant Freddie Hubbard n'usurpe pas le superlatif usé plus haut. Difficile de marquer les esprits lorsque vos pairs s'appellent Dizzie Gillespie ou Miles Davis, et pourtant le parcours de Hubbard, même s'il est loin d'être parfait (les 70's et 80's étant inégales...), indique une bonne dose de talent à la vue de ses premières années en tant que sideman.

On a rarement vu ainsi un jeune souffleur avec une aussi belle carte de visite, aussi à l'aise pour jouer du hard-bop que d'aller se frotter à la "new thing". Hubbard joue ainsi à ses débuts avec des pointures tels que Wes Montgomery, Sonny Rollins, Quincy Jones, Max Roach, Bill Evans ou Art Blakey. Mais comme je le disais précédemment, Freddie fait aussi (et surtout?) parti de deux formations qui vont marquer les esprits des 60's, à savoir le célèbre double quartet d'Ornette Coleman qu'on retrouve sur Free Jazz, puis cinq années plus tard sur l'autre pierre angulaire du jazz libertaire, le cataclysmique Ascension de John Coltrane en 1965.

Dans les 60's, Freddie Hubbard, en plus de faire la connaissance de l'étoile filante de l'avant garde Eric Dolphy, pour lequel il participe à l'album Out to Lunch, rencontre un autre phénomène de deux ans son cadet, un certain Herbie Hancock, pianiste du célèbre second quintet de Miles Davis ainsi que, le nouveau saxophoniste du prince of darkness, Wayne Shorter (détail qui aura son importance par la suite...). Avec Hancock, ils vont ainsi enregistrer l'un des classiques du pianiste à savoir Maiden Voyage sur le LP Empyrean Isles.

Dès lors le parcours des 60's de Freddie Hubbard correspond parfaitement à celui d'un jeune jazzman en devenir, participation en tant que sideman à des formations renommées et en parallèle, l'enregistrement d'albums solo de hard-bop lorgnant de plus en plus vers le post-bop voire l'avant-garde. Les 70's vont marquer un tournant pour le trompettiste, Freddie signant sur le nouveau label de Creed Taylor, CTI. Freddie grave ainsi deux disques qui feront date, Red Clay et Straight Life. Albums qui commercialement seront un succès pour ce dernier et qui comme pouvait le laisser supposer cette nouvelle signature pour CTI, annoncent aussi une nouvelle orientation sonore, Hubbard ajoutant désormais une approche plus soul et définitivement plus funky (et à cela s'ajoute un all-star band des plus excitants: Ron Carter, Herbie Hancock, Jack DeJohnette, Joe Henderson et George Benson).

L'album auquel je m'intéresse aujourd'hui, Keep Your Soul Together datant de 1973, fait parti des derniers pour le label CTI. Bien que cette fois ci, Hubbard soit moins entouré de sidemen prestigieux comme pour ses précédents LP (il reste tout de même l'inamovible et inoxydable Ron Carter), la qualité n'est en aucun cas mise au rabais. Le septet nous propose quatres titres, tous aussi inspirés pour environ 40 minutes de post bop funky. Le LP s'ouvre par Brigitte qui pose tout de suite les bases d'un jazz chaleureux (l'une des marques du souffle made in Hubbard) magnifié par les sons tout en rondeur provenant de la contrebasse et le touché délicat de George Cables aux claviers. Le morceau éponyme à la différence de Brigitte se veut plus funky, la paire de souffleurs Freddie Hubbard/Junior Cook faisant des merveilles... nous rappelant au bon souvenir d'un Red Clay. A défaut de passer une fois de plus pour un cliché, on notera quand même de nouveau que Le morceau de Keep Your Soul Together n'est autre qu'un titre hommage à Coltrane, à savoir Spirits of Trane, où l'on s'aperçoit que Freddie Hubbard sait définitivement bien s'entourer (mention spéciale pour le duo Junior Cook et George Cables). L'album se clôt par un Destiny's Children efficacement funky comme pouvait l'être ceux de 1970. Au final, Keep Your Soul Together mérite amplement d'être réévalué, Hubbard ayant l'intelligence de ne pas rééditer un Straight Life bis. L'album garde certes une teinte funky mais reste avant tout un album de jazz novateur (l'aspect funky étant suffisamment léger pour éviter l'aspect daté qui va en général de pair avec le temps).

A noter qu'en 1977, Freddie Hubbard rejoint les anciens sidemen de Miles Davis appartenant à son second quintet: Ron Carter, Herbie Hancock, Tony Williams et Wayne Shorter sous le nom du VSOP quintet, mais ça c'est une autre histoire...

2 commentaires:

  1. Hubbard est toujours resté dans l'ombre des trompettistes les plus fameux, mais pour ma part, il fait partie des tout meilleurs...

    SysTooL

    mon article biographique du Maître :
    http://systool.over-blog.com/article-3485168.html

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  2. très bien je le note, très bon article docteur ;-)

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