Death Magnetic - Metallica ou les équations de Maxwell résolues par deux yankees, un danois et un mexicain

Résumé des épisodes précédents. Nous avions laissé Metallica en studio avec le controversé St Anger en 2003, album qui à défaut d'être parfait, gardait un capital sympathie plutôt satisfaisant. Produit par l'inamovible (du moins ce que l'on pensait) Bob Rock, l'album se distinguait par un flamboyant (?!) son clair de batterie évoquant, rien de moins, la jurisprudence ...And Justice for All ; et en conséquence la non reconduction pour le prochain disque de leur fameux producteur, le duo Hetfield / Ulrich ne souhaitant pas être tenu responsable de cette gabegie au coût exorbitant.

Les griefs contre St Anger se résumaient ainsi à sa mauvaise production [1], à une certaine monotonie et linéarité, et à sa durée (plusieurs chansons auraient mérité à être écourtées voire tout simplement retirées). Quant à l'absence de solo, ce choix original n'était pas fondamentalement un problème, et avait le mérite, une fois de plus, de souligner la transparence de Kirk Hammett. Bref, au-delà de la formule facile, l'album avait les défauts de ses qualités, et transcrivait plutôt bien une formation au bord de la crise de nerf (cf. le documentaire Some Kind of Monster).

Et Death Magnetic ? Malheureusement on y retrouve 50% des défauts de son prédécesseur. Premier point, le choix du producteur : Rick Rubin. S'il rend une copie correcte, on pouvait néanmoins s'attendre à un son plus incisif. Or rien d'exceptionnel. L'amateur de basse s'étonnera même du traitement dévolu à Robert Trujillo. Trop en retrait, à nous faire presque revivre une fois encore les fantômes du passé.

Certains se sont plaints de la longueur des morceaux et de la linéarité de St Anger. Si cadrage il y a eu à propos de la linéarité, pour la longueur c'est autre chose. Avec une durée moyenne de 7 minutes 30, l'art de la concision est bien loin. Pire, Metallica à l'instar de ses collègues (Slayer et Testament au hasard) tend à vouloir nous faire revivre ses jeunes années thrash metal avec un album supposé old school, ou une démarche qui n'est pas sans rappeler également le regain d'un Trivium, jeune groupe qui se démarque (trop) peu des albums cultes des 80's. Or durant l'enregistrement de Death Magnetic, la rumeur fit courir le bruit que le prochain Metallica serait le chaînon manquant entre ...And Justice For All et le Black Album. Rien que ça.

Death Magnetic s'ouvre par That Was Just Your Life. Par le passé, plus qu'un autre groupe de metal, les four horsemen avaient toujours réussi à enregistrer des premiers titres coup de poing (Battery, Blackened, jusqu'à plus récemment Frantic). Après quelques battements de cœur, Metallica nous convie à une introduction sombre et inspirée, puis à l'enchaînement de rythmes relativement soutenus (et avec pratiquement toujours le même solo d'Hammett...). Malheureusement ce premier morceau relevé pointe déjà les reproches globaux du disque. Le groupe est en surrégime. Si St Anger manquait (peut-être) de riffs, Death Magnetic en déborde, au risque de donner une indigestion à l'auditeur [2]. C'est d'autant plus dommageable que les riffs trouvés sont loin d'être rancis, mais leur trop grand nombre ont tendance à rendre stérile n'importe quel morceau (The End of the Line). Fort heureusement, nos quadragénaires arrivent encore à nous proposer des chansons tenant suffisamment la route, accrocheuses avec un semblant de feeling sudiste comme sur Broken, Beat & Scarred.

Or, après un premier titre évoquant les introductions usitées par le passé, Metallica se sent obligé de continuer à regarder dans le rétroviseur. La plage numéro 4 est donc la chanson heavy mélodique avec accélération pour sa dernière partie, et l'avant dernier titre est un instrumental de presque 10 minutes. Étonnant, non ? Ces clins d'œil partent d'un bon sentiment (laissons leur le bénéfice du doute), mais le rendu l'est moins. Certes, The Day That Never Comes, en dépit d'une originalité en berne, tient la route après plusieurs écoutes, mais Suicide & Redemption et son break parodiant Orion peut difficilement en dire autant. Même constat pour My Apocalypse qui tente de mimer la virulence des années 86-88. Au moins Metallica nous évite un simple et vulgaire copier-coller...

En résumé, les premières minutes de chaque chanson sont en général plutôt bonnes, voire excellentes mais trop souvent gâchées par une accumulation de riffs (l'envie de trop bien faire ?) et une durée excessive [3]. A titre d'exemple, The Unforgiven III, qui faisait craindre le pire (après la bouillie sonore qu'était la précédente part II), nous présente un Metallica qui lorgne vers un lyrisme intéressant (piano et cordes). James ne force pas trop le trait (sa nouvelle voix de crooner ayant parfois la finesse d'un pachyderme). Mais le cap des huit minutes apparaît bien vite comme une épreuve.

Metallica n'est pas mort. Death Magnetic n'est ni mauvais, ni honteux. Mais sa durée de vie est inversement proportionnelle à celle de ses... [4]. Et terminons sur une note à demi-médisante : « avaient-ils véritablement besoin d'un nouvel album comme prétexte à une nouvelle tournée mondiale ? ».


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[1] Pas sûr que celui-ci aurait été intéressé par la proposition, mais le choix de Steve Albini aurait sans doute été plus intéressant. Toujours est-il que ce fut la dernière collaboration avec Bob Rock. Un destin qui évoque en somme celui de Flemming Rasmussen.

[2] OK, ça ne vaut pas (le saoulant) Time Does Not Heal de Dark Angel avec ses 246 riffs au compteur !

[3] Vous me direz, vu le paquet de riffs, pas étonnant que les chansons s'étalent sur 8 minutes.

[4] En guise d'interactivité, nous vous laissons deviner ce qui doit remplacer ces points de suspension.

14 commentaires:

  1. Drôle de carrière pour ces métalliques !
    Merci pour la chronique ;)

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  2. oui merci... voilà comment on occupe son samedi soir ^^'

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  3. T'écouterais pas "Rendez-vous avec X" sur france inter toi ?

    Merci pour cette loooooooooooooooooooooooooooooonnnnnnnnnnnnnnnnnguuuuue chronique (toi aussi t'es accroc aux parenthèses on dirait), je ne savais même pas qu'ils pondaient encore des opus. Quand je pense qu'il y a...oulala...longtemps (89') j'avais comme tout bon skater de l'époque Phantom Lord à fond dans le Vakman, c'était quelque chose A L'EPOQUE...


    Dom

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  4. bravo Dominique, rien que "enfin n'allons pas trop vite" t'as donne la puce a l'oreille. Je dis bravo!

    En ce qui concerne les parantheses... oui, j'avoue cette perversion... dsl :P

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  5. je ne pense pas que j'y jetterai une oreille. Franchement, qui espère encore quelque chose de ce groupe ?

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  6. bah curieux de nature j'y ai prete une oreille... un telechargement a la hussarde, ca coute rien.
    Maintenant, comme finalement "St Anger" m'avait dans son ensemble agreablement surpris... N'empeche, en voyant tout le remue menage fait autour de la sortie du bousin et la joie du metalleux de base ("ouais ils reviennent aux sources" ce genre de c******, surtout qu'a l'ecoute du LP, c'est loin d'etre totalement du rechauffe), me suis doute que ca allait pas voler bien haut.
    Ceci dit, je prefere ce genre de plantage que nous reservir un copier coller de ce qui se faisait y'a 20 ans avec un son actuel (ou non) cf Slayer ou Testament.
    Maintenant est ce que j'en esperais qqch? Euh... non en fait :P

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  7. Tu m'as pris pour un touriste ou quoi :D On ne me la fait pas à moi, une simple phrase suffit, et de ta carcasse j'ai fait le tour illico presti (pour la rime).

    (n'importe quoi bis)


    Dom

    ps: j'espère te voir vendredi soir

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  8. Enfin quelqu'un qui se lâche sur cet album... quitte à disséminer les fautes d'orthographe tels des oeufs de Pâques... je sais, c'est pas la saison ;-)

    Allez faut que je l'écoute celui-ci... Napster, au pied... mais non, je plaisante, Lars...

    SysTallicA

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  9. Ah oui je l'ai écouté aujourd'hui, et bien t'as tout bien résumé. En fait j'ai l'impression d'écouter "Justice" passé dans un cradificateur + les mauvais points du black album...sans compter que les solos sur ce "Death magnetic" sont vraiment navrants, il se répète le pépère !!


    Dom

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  10. ouais encore "Justice" était alambiqué mais pour ma part, ça tient encore la route... mais là... c'est pas accrocheur en plus, le néant...

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  11. Tout à fait d'accord sur le "pas accrocheur". Cet album me fait aussi penser à une démarche du type "hey regardez, on sait encore faire des morceaux avec des structures super complexes, regardez on peut encore jouer très très vite, même que nos doigts tu les vois presque plus" (j'exagère à peine) !!

    Je préfère encore me refaire "Justice" même si le son de cette put*** de grosse caisse me gonfle (tic tic tic...c'est nul). Je suis plus John Bonham, enfin...


    Dom (J-1)

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  12. Juste écouté quelques tounes du derniers Metallica... M'ont fait l'effet d'être les fantômes d'eux même. Le chanteur n'a plus de souffle, c'est bizarre ce qui se passe avec sa voix, par moment c'est même touchant, mais il lui manque un truc comme à un écureil à qui on aurait coupé la queue. Les breaks sonnent un peu trop ressassés et les solos de guitares qui avançaient à toute berzingue sont restés au garage... Mais bon je dis ça, j'ai écouté trois tounes comme ça...

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  13. C'est marrant : après avoir largué 12 ans Metallica (avec le black), St Anger a été pour moi une révélation, un album que j'ai écouté près de 80 fois l'année où il sortait (il était d'ailleurs ma musique d'accompagnement principale pour la rédaction d'un ouvrage de fiscalité).
    Un album dont je ne me suis rendu compte qu'il n'avait aucun solo parce qu'un jour on me l'a dit.
    un album dont il paraît que la production est nulle parce qu'un jour je l'ail lu.
    Brefle : pas du tout ce que j'ai ressenti.
    Et puis Death Magnetic il y a 2 ans déjà, bientôt 3 (oui, je commente tardivement) et je perds comme il est justement dit par le Doc 50% de ce qui m'a fait plaisir avec St Anger. Et si je vérifie au compteur iTunes (attendez une seconde (je mets des ... pour faire l'effet d'attente, ok ? (... ...) ayé !!! (bon je ferme les parenthèses))) je n'ai écouté que 3 fois cet album complètement.

    Le verdict est sans pitié : kill it all.

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  14. @ Christophe: commentaire tardif mais judicieux!
    Le plus "triste" dans l'affaire c'est de constater finalement que cet album surfe un revival qui cache son nom, ou comment brosser dans le sens du poil les plus conservateurs (en partie tout du moins, Thom à sa sortie a défendu cet album et on ne peut difficilement le taxer de conservatisme).
    Bref, autant avec St Anger ils allaient de l'avant avec une réussite incertaine, autant là, ils font dans la facilité... ce qui pourrait expliquer que la tournée Death Magnetic ne soit pas encore terminé... comptent faire une tournée plus lucrative que celle du Black albOUm?

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