Street Hassle : Lou Reed, Parrain du Punk ?

Non content d'être indissociable du punk, comme pouvait l'être le twist à St Tropez, New-York fut pendant très longtemps un véritable bouillon de culture. Et tandis que les Television et autres Ramones foutaient le feu au CBGB, Lou Reed ne pouvait regarder ces drôles énergumènes, rejetons du VU, que d'un drôle d'œil, qui plus est depuis son sobriquet de parrain du Punk, soit le genre de titre et récompense qu'on file aux artistes finis.

Dès lors, après avoir écrit son album le plus délicat, Lou prend tant bien que mal le train en marche et très (trop) rapidement, lâche en novembre 1976, Rock and Roll Heart, ou son premier album pour le label Arista. Mais l'album est une déception. Bâclé, à vouloir surfer sur la vague naissante, Lou se plante lamentablement : mauvaises critiques et vente insignifiante (Lou n'a jamais vendu des masses, mais là, c'est moins que moins !).

Dans ces cas là, une petite remise en cause est de bon aloi. Et justement, Lou Reed met à profit un temps de réflexion pour concocter un album qui fleure bon la misanthropie et le retour d'une ambition artistique qu'il avait plus ou moins mise en veille depuis le suicidaire Berlin. En somme, Lou laisse passer la vague punk, et en profite pour enregistrer un nouveau disque volontairement mal léché, cru et sombre : Street Hassle.
 
L'album s'ouvre ainsi  sur Gimmie Some Good Times, fausse reprise mal embouchée de son Sweet Jane avec jet d'urine balancé sur ses propres erreurs en sus, ou comment se parodier pour mieux vomir sa bile. Et il ne s'agit que d'un hors d'œuvre. Or quand vient le titre suivant, Dirt, on comprend bien vite que l'homme est en verve. Rampant, poisseux, délicieusement crade, Lou y ajoute des paroles qui collent on ne peut plus avec la production de la dite chanson, soit un concentré de rancœur, de haine envers soi-même et envers les autres. Classe.

Histoire de relever un peu la tête, la chanson éponyme nous convie à l'une des chansons les plus ambitieuses de Lou, un long poème de 11 minutes chapitré en trois parties où les cordes ont une place prédominante. Chanson qui annonce également The Bells ou le morceau éponyme du prochain album (avec en guest le trompettiste de free jazz monsieur Don Cherry). Viens ensuite le goguenard I Wanna Be Black où il se moque des lieux communs tournant autour des noirs, soit un grand moment d'humour au vitriol, proche musicalement d'un rhythm & blues bluesbrothersien, la crasse en plus (et que dire de la version live sur Take No Prisoners). Quant à Real Good Time Together, sous couvert d'une production toujours aussi crade, ce dernier fait office d'un bon p'tit rock 'n' roll des familles.

Passé cette parenthèse inoffensive, Lou Reed recrache le fiel qui lui reste sur Shooting Star, au même titre que son restant de misanthropie sur le dantesque Leave me Alone. L'album se clôt sur Wait morceau qui parle de proposition indécente sans en donner les contours... la classe ce Lou.
Sans doute pas le meilleur album de Lou Reed, mais un des préférés du RHCS : personnel, cru, audacieux, quand la grâce croise admirablement la saleté.
 
Aujourd'hui, je vous propose le titre Dirt ainsi que la vidéo d'un extrait de concert donné par Lou Reed le 14 Juillet 1980 en Italie où nous avons droit aux deux premières chansons du set, à savoir Sweet Jane et Real Good Time Together (la qualité est loin d'être optimale je précise).



You're just dirtYou're just dirt, 
The only word for you is dirt
That's the only word that hurt, 
You're just dirt
That's all you're worth - cheap, cheap dirtYou know they call it
Cheap, cheap, cheap, cheap, uptown dirt
   

7 commentaires:

  1. Year !!! mais je connaissais pas cet album et je savais même pô que c'était ton préféré ... et ben mainteant j'vais l'écouter : )

    "Wild thing ... you make my heart sing ..."

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  2. ah ah ah Jojo!
    sache que lors de ton DEA qd on squattait le bureau de Pierre, j'avais mis cet album en écoute! :-)

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  3. Cornegidouille un Loulou que j'connais pas. Et ça va durer comme ça jusqu'à c'que je crêve... J'vais apprendre des choses ! Elle est pas belle la vie ?
    Venez donc par là docteur que j vous embrasse.
    Si, j'y tiens.
    Si.

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  4. Je ne connais pas cet album... mais bon, il faut dire que je ne suis pas un inconditionnel de Reed...

    Mais merci pour cette chronique

    SysTooL

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  5. oui je sais bien, cet album est injustement méconnu.
    ceci dit c'est pas non plus un album "grand public" du père Reed
    Un jour viendra, je ferais la chro de "The Bells", un autre album qui vaut le détour!

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  6. Merci pour cette très bonne critique, se fut un régale de te lire ! Je suis assez d'accord avec toi, cet album sort tout droit des égouts new-yorkais : Il faut dire qu'après les mélodieux "coney" & "rock'n'roll heat" Lou revient à un état brute : Un peut comme quand le velvet, sortait le fameux album noir... L'histoire n'est qu'un éternel recommençant.

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  7. Aaaaaaaaah ! "Street Hassle", un de mes Lou favoris ! Tiens, je me le remets.

    Excellent billet !




    (http://legolb.over-blog.com)

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